« Ces livres de malades, de malades métaphores qui, comme Fritz Zorn, s’inventèrent écrivains afin de vivre une vie à laquelle pouvoir mourir quand frappe le cancer, est-ce cela l’expérience dont on parle quand on dit, à propos de leur lecture, cela me fait du bien ? Non, cela me fait exister en me portant auprès de la mort, cela me fait entrer dans la connivence littéraire de la maladie. Cela agrandit une vie en dressant la toile sur laquelle elle fait fond. Cela alourdit de vie la mort et de mort la vie. Cela me permet de penser que ma mort à moi sera possible. Autrement, ce sera la mort, une mort, sans vie, sans personne, sans vérité. » Prenant le parti ingouvernable de l’étrange, liseur d’Artaud, de Duras, d’Acker, de Genet, de Mann et, bien sûr, de Zorn, Hugo Satre perçoit dans ces livres autant de fusils pointés qu’il fixe avec élégance.
Pour Satre, les livres n’ont rien de thérapeutique. Au contraire, les œuvres, celles de la vie et de la mort, nous enfoncent dans la gorge notre propre finitude, que nous ne saurons pouvoir régurgiter ou même digérer. Elles nous contaminent de leur savoir trouble, de leur vacillement, sans nous permettre d’entrevoir une quelconque porte de sortie que serait le savoir médical objectif, dont l’expression langagière, comptable, empêche tout contact avec la réalité de la mort.
Extrait de la préface de Catherine Mavrikakis