Premier lancement de la saison au célèbre Café Zénob, à l’occasion de la parution du plus récent recueil du poète Russell Paradis, intitulé Atermoiements. On y voit réunis la mère du poète, la maîtresse du poète, l’éditeur, le critique littéraire, l’étudiante ontarienne en immersion… C’est l’occasion pour Judith Cowan, dans la nouvelle qui ouvre son recueil, de tracer une superbe galerie de portraits et de déployer son art savoureux du dialogue. Elle dépeint avec une fine ironie les grandes espérances et les trahisons qui agitent ce petit monde, avec ses codes, ses rivalités et ses complicités, qu’elle scrute en observatrice à la fois distanciée et parfaitement informée.
Mais Judith Cowan sait aussi bien évoquer un Québec plus secret auquel appartiennent cet homme solitaire, qui est la bonté même, mais que sa femme et ses filles ont quand même abandonné pour vivre leur vie, ce fou que l’ouverture des hôpitaux psychiatriques a jeté à la rue et qui converse avec ses démons, et cet homme enfin, héros de la nouvelle qui donne son titre au recueil, qui se retrouve au milieu d’un champ l’après-midi de la Saint-Jean et qui croit que, parce que la foudre est tombée tout près de lui sans le tuer, il est à l’abri de la catastrophe pour le reste de ses jours.
Grâce à la pénétration du regard, à la subtilité de la notation, à l’élégance sinueuse du style, Judith Cowan sait croquer ses personnages sans jamais les dépouiller de leur humanité et de leur complexité.